Bibliothèque d'Ordan-Larroque
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Bibliothèque d'Ordan-Larroque

Doria Zed
POUMIRAU Patrick
" C'était la première fois que je voyais Doria Zed. Ou presque: un entrefilet accompagné d'une photo, parcouru dans la salle d'attente d'un cabinet dentaire, m'avait appris que cette femme arrivait d'un désert lointain où elle avait sculpté un gisant géant dans une montagne de sel. Mais je ne fis le rapprochement que plus tard. Que furent les premiers instants ? D'un pas rapide, nous avançâmes dans la travée du supermarché inexplicablement vide à ce moment-là, face à face, chacune poussant son chariot, un peu comme deux chevaliers du Moyen Age lancés dans une joute. Nous posâmes en même temps la main sur la même tablette de chocolat. Une tablette aux écorces d'orange. Elle plaisanta, parvint à me faire rire, et aussitôt un souffle balaya les nuages, une sorte d'éclaircie nettoya mon ciel intérieur. Une chevelure épaisse et fauve la coiffait superbement. Dans son caddie, white-spirit et riz basmati. " Doria Zed suscite la fascination chez tous ceux qui l'approchent. Magnétique, elle traque dans chaque chose l'essentiel. Doria Zed a un secret.
Emportez-Moi
POUMIRAU Patrick
Grièvement blessé lors d'un assaut antiterroriste dans le métro de Londres, un écrivain fixe une dernière fois en mots ce que fut sa vie. Venu à Londres pour déposer le manuscrit de son premier roman à son éditeur, Félicien Ramuz est pris en embuscade lors d'une attaque antiterroriste dans le métro. Il comprend bientôt que c'est lui qu'on vise, lui le terroriste présumé. Il reçoit plusieurs balles dans le corps, s'effondre. Panique dans la station, cris, hurlements, on s'approche du " corps ". Dans le vacarme, Ramuz essaie de se faire entendre, de clamer son innocence, sa bonne foi. En vain. Il voudrait comprendre. Pourquoi lui ? Que lui reproche-t-on ? Dans une semi-conscience, et pendant que les secours s'activent, il fixe une dernière fois en mots ce que fut sa vie, contemple le visage de sa mère, revit des bribes d'enfance. Surtout, il voit les yeux rieurs de Clémentine... L'univers de Poumirau est à la fois d'une simplicité brute et d'une immense intensité.
Un Soldat De Passage
POUMIRAU Patrick
Les confessions d'un enfant du millénaire... " – Tu veux savoir ce qui s'est passé ? Kenza hocha la tête. – C'était au moment où l'Otan prit la décision d'envoyer des troupes ici. Un jour ma feuille de mobilisation est arrivée à la maison et je me suis retrouvé dans le pétrin en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Il revoyait la séance de tonsure et se rappelait avoir développé une haine sans nom pour le troufion chargé de l'office. Puis il y avait eu la vaccination, le marquage en chaîne avec des pistolets à sérum. Sans oublier la séance d'instruction politique où on leur assura que l'Afghanistan c'était la nouvelle guerre d'Espagne, qu'ils étaient des sortes de Brigades internationales, qu'ils ne resteraient pas longtemps, bien moins longtemps que les Soviétiques, qu'ils gagneraient beaucoup d'argent. Lucas expliqua à un bureaucrate en treillis qu'il était monté quelquefois à cheval, qu'il s'était fait une trouille bleue en risquant un jour un saut à l'élastique du haut d'une grue publicitaire, enfin qu'il se débrouillait dans les langues indo-européennes, en arabe, en persan. Alors ils m'ont collé l'étiquette d'interprète attaché au régiment héliporté et nous avons décollé en pleine nuit pour nous fondre aux étoiles. Il avait appris à vivre dans les airs. À lire, se raser, se saouler, manger et faire ses besoins. Il y avait vu des concerts de rock'n roll, un maréchal frapper l'enclume et activer le soufflet à deux mille pieds d'altitude ; il avait servi d'infirmier pour une opération urgente de l'appendicite et soigné maintes blessures de combat dans cette soute transformée en écurie. Il l'avait curée et avait déversé des brouettes de crottin dans le ciel, avait vu mourir ses camarades, l'un après l'autre, dans le ciel mais aussi sur terre, dans des lieux et des conditions où il ne pouvait s'agir que de mourir, et il en avait entendu qui criaient avant d'être exterminés : " Ce n'est pas juste ! ce n'est pas juste ! ", comme si la justice avait quelque chose à voir là-dedans. " D'ailleurs qu'ajouter ? Ici ni champ d'honneur ni héros. Pas d'ennemi déclaré, mais une embuscade aussi sauvage qu'irréelle qui laisse le soldat moribond sur les contreforts du massif de l'Indou Kouch. Il se croyait " de passage ", il reste caché là des mois. C'est à Kenza, une jeune pianiste afghane, qu'il doit son retour à la vie. Avec toute la force d'un amour condamné d'avance, elle l'écoute inlassablement raconter d'autres deuils, d'autres amours, mais aussi d'autres montagnes, où, jadis, il s'initiait au mystère de l'Univers en pêchant la truite.
Tu Pleureras Avant Ce Soir
POUMIRAU Patrick
" Il reçoit les gens comme s'il avait le temps, pourtant la salle d'attente est toujours pleine à craquer. Certains malades viennent de loin et peuvent lire sur sa porte : à toute heure du jour et de la nuit. Il parait que les enfants les plus timides l'entretiennent de trèfles à quatre feuilles, de cueillette de champignons bizarres, de girafes ignobles habillées de piquants, d'assassinats de lézards, de baisers volés à leurs parents, de pluies de coups... On l'a vu jouer aux billes sur sa moquette avec des cancres en grande difficulté. Les petites filles oublient leur poupée sur sa chaise. Il ne parle jamais de lui. " Tu pleureras avant ce soir est un recueil en forme de galerie de portraits. Dix-neuf histoires, autant de concentrés de romans qui mettent au jour la poésie de notre quotidien. D'une simplicité brute et d'une étonnante intensité.