La Symphonie Pastorale GIDE André
Un pasteur recueille une jeune orpheline aveugle, farouche, et l’éduque en lui donnant une vision magnifiée du monde. Premier péché ? Puis il tombe amoureux d’elle, son fils aussi... Poussant la partition vers la tragédie ? Avec l’éclat du style d’André Gide, ce classique nous fait vibrer jusqu’à la dernière page. « [...] je n'ai point encore dit l'immense plaisir que Gertrude avait pris à ce concert de Neuchâtel. On y jouait précisément La symphonie pastorale. Je dis "précisément" car il n'est, on le comprend aisément, pas une Ĺ“uvre que j'eusse pu davantage souhaiter de lui faire entendre. Longtemps après que nous eûmes quitté la salle de concert, Gertrude resta encore silencieuse et comme noyée dans l'extase. - Est-ce que vraiment ce que vous voyez est aussi beau que cela ? dit-elle enfin. [...] - Ceux qui ont des yeux, dis-je enfin, ne connaissent pas leur bonheur. - Mais moi qui n'en ai point, s'écria-t-elle aussitôt, je connais le bonheur d'entendre.» - Il ne faut pas chercher à m'en faire accroire, voyez-vous. D'abord parce que ça serait très lâche de chercher à tromper une aveugle... Et puis parce que ça ne prendrait pas, ajouta-t-elle en riant. Dites-moi, pasteur, vous n'êtes pas malheureux, n'est-ce pas? Je portai sa main à mes lèvres, comme pour lui faire sentir sans le lui avouer qu'une partie de mon bonheur venait d'elle, tout en répondant: - Non, Gertrude, non, je ne suis pas malheureux. Comment serais-je malheureux?