Published: 1 janvier 0101
Résumé:
On croyait tout savoir de Jaurès. On éprouve
souvent pour lui une bienveillance attendrie, un peu
condescendante, ou de la compassion. On n'ignore pas qu'il a
écrit près de trois mille pages consacrées
à la période 1789-1794. Mais qui les a lues ? Qui se
soucie aujourd'hui du livre qui s'intitule Histoire socialiste
de la Révolution française, paru en fascicules vendus
un sou, à compter du 10 février 1900 ? Pourquoi
s'enfoncer, au XXIe siècle, dans une œuvre qui semble
enveloppée dans le linceul des idéologies mortelles ?
Parce qu'elle est aussi prenante et forte - quand on y
pénètre sans préjugé, en suivant, comme
dans les extraits ici réunis, le destin du roi et de la
royauté, des états généraux à la mort
du monarque, le 21 janvier 1793 - qu'un drame shakespearien !
On assiste à la transmutation d'une intention
idéologique et pédagogique en une œuvre
singulière, pénétrante, qui transcende le genre
historique. Elle se lit comme une tragédie. Celle d'un
souverain " indécis et pesant ", " incertain et
contradictoire ", qui ne réussit pas à prendre la
mesure d'une " révolution dont lui-même avait reconnu
la nécessité et dont il avait ouvert la carrière
". La générosité et l'humanité de
Jaurès lui permettent de partager l'émotion devant "
la résignation " du souverain, qui apparaît à
des " milliers de cœurs " " divine " et preuve d'une "
surnaturelle bonté ". Il saisit le caractère
contradictoire et décisif de cette mise à mort,
cruelle et symbolique, qui marque à jamais l'histoire
nationale. " La terre de France n'a pas oublié ces choses
et garde encore la tragique saveur du sang quelle a bu. Marx ?
Michelet ? Plutarque ? et pourquoi pas Hugo ou Shakespeare ?
Laissons les comparaisons. Lisons 1'oeuvre, ouverte et libre,
de Jaurès, le grand méconnu. Max Gallo